jeudi 28 mai 2009

Sélection Officielle, Hors-Compétition : Agora, Alejandro Amenabar (2009)

De Tesis à Mar Adentro en passant par Les Autres et Ouvre les Yeux, nul doute qu'Alejandro Amenabar est un réalisateur éclectique. Ainsi, lorsqu'il décide de succéder à Oliver Stone et Wolfang Petersen dans le délicat genre du péplum sauce Hollywood, le grand monsieur du cinéma chilien se retrouve tout naturellement à Cannes, où l'on attend beaucoup de lui. A fortiori quand il compose avec Rachel Weisz, Max Minghella (le fils d'Anthony), Oscar Isaacs et Michael Lonsdale.

Le postulat de départ est doté d'un très gros potentiel de séduction : Amenabar se pose en conteur de l'histoire d'Hypatie, une philosophe injustement belle et intelligente, fille de Théon, qui dirige la Grande Bibliothèque d'Alexandrie, dont l'élève et l'esclave se disputent l'amour. Orchestrant son idée de départ, aux allures de biopic rom-antique, sur fond de persécutions religieuses et de féminisme très actuel, le réalisateur réunit ici tous les ingrédients d'un grand film, lorgnant potentiellement autant chez Cecil B. DeMille que chez Jane Austeen.

Mais dès la séquence d'ouverture, le spectateur est déboussolé. Plus "couverture du nouveau Bernard Werber" que matérialisation visuelle d'une réflexion sur la place de l'homme dans l'univers, le trip mystique au milieu des planètes (qui reviendra ponctuer le film de façon assez incompréhensible) annonce la couleur : Agora sera prétentieux ou ne sera pas.

Le reste du film confirme la donne. Amenabar s'autorise quantité de jeux de mise en scène artificiels, qui desservent la sobriété et l'intelligence de son propos. Plans aériens, accélérations et séquences filmées à l'envers n'apportent rien de plus qu'une incompréhension qui prête à sourire, puisqu'ils sont sans rapport avec l'histoire et sans justification autre que l'expérience formelle. De plus, ces interventions sont ponctuelles et ne s'appuient pas sur une continuité dans la réalisation : on ne peut donc y voir qu'un maladroit écho dans la chair concrète du film de la répétition des séquences interstellaires.

Ce qu'annonçaient ces plans de l'espace (qui ne feront que faire apprécier d'autant plus au cinéphile averti la performance techinque de Kubrik une quarantaine d'années auparavant) est confirmé par la suite : Amenabar ne gère pas la construction de son film. Oscillant maladroitement entre deux intrigues, il peine à choisir l'échelle de son film, filmant à parts égales Les Malheurs d'Hypatie et la montée sanglante du christianisme. Sans vraiment trouver d'équilibre, et sans en préférer l'une à l'autre, il égare son spectateur et brise le rythme de son récit.

On pourra saluer les tentatives individuelles des acteurs de donner à leurs scènes une dynamique propre (Oscar Isaacs, particulièrement, est celui qui y réussit le mieux). Pas de performance d'interprétation, mais toutefois un casting investi, bien que parfois un peu caricatural. Malheureusement, le jeu des acteurs ne suffit pas à redynamiser la trame éclatée du récit, qui bascule brutalement de la violence gratuite et crue à un intellectualisme à la fois artificiel et élitiste.

De plus, si Amenabar évite un peu plus élégamment que ses prédécesseurs l'écueil de l'argot du Bronx dans la bouche de ses héros antiques, ses maladresses se cachent ailleurs. Dans un décor qui se veut trop réaliste pour proclamer sa valeur symbolique, notamment, le réalisateur laisse traîner de douloureux anachronismes (l'oeil critique ne manquera pas de relever la présence cocasse de la Louve du Capitole à Alexandrie, agrémentée des Remus et Romulus ajoutés au XVI° siècle, mais également l'étrangeté du titre qui, non content de ne pas avoir le moindre rapport avec le récit, désigne une place grecque et non pas romaine). Amenabar ne fait donc qu'entretenir ici un amalgame de clichés, coagulé autour de personnages caricaturaux, soutenant une histoire sobre flagellée par un traitement grandiloquent. Décevant et maladroit.

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