vendredi 29 mai 2009

Quinzaine des Réalisateurs : Les Beaux Gosses, Riad Sattouf (2009)

Attirés naturellement par les images et leur façon de raconter une histoire, il est normal que les dessinateurs de bande dessinées s'intéressent fréquemment au cinéma. On retiendra l'exemple d'Enki Bilal, sans doute le plus prestigieux. Mais voilà, Riad Sattouf n'a pas accouché de la trilogie Nikopol, aussi y avait-il peu de chances qu'il réalise un Immortel. A la place, le papa de Pascal Brutal nous livre d'improbables Beaux Gosses, qui n'ont pas manqué de secouer la Quinzaine.

Hervé et Camel sont des collégiens on-ne-peut-plus normaux. Pas vraiment beaux, pas vraiment brillants, pas vraiment populaires, mais vraiment puceaux, et surtout vraiment décidés à ce que ça change. C'est donc leurs tribulations d'obsédés pré-pubères que se propose d'exposer un Sattouf qui proclame haut et fort son propre amour de l'onanisme. Ici, on oublie le sérieux dramatique d'un Kechiche pour regarder ce terriblement cynique reflet des années "collège", où ça badine grave avec l'amour.

Riad Sattouf s'amuse avec sa caméra comme on s'amuse avec un crayon. Tout en gardant la maîtrise de son outil, il explore les possibilités de son nouveau médium (la mise en abîme de la vidéo porno est un modèle du genre !), et se permet même un hommage aux Kids de Larry Clark avec une séquence d'ouverture qu'il voulait, selon ses propres mots "choc, méga-réelle" pour mettre le spectateur "tout de suite dans le bain". Suggérant, par un cadrage, un angle de vue ou le passage en cut d'une "case" à l'autre, les gestes les plus vicieux sans jamais rien montrer, il évite l'écueil du "trop glauque" comme celui du "trop pudique". Sattouf joue avec sa caméra comme avec son scénario, et personne ne va s'en plaindre.

Surtout pas son casting. Sattouf ne fait pas les choses à moitié et invite pour son premier film des guest-stars aussi prestigieuses qu'Emmanuelle Devos (déjà présente au Festival cette année avec Les Herbes Folles d'Alain Resnais et A l'Origine de Xavier Giannoli, tous deux en compétition officielle !), Valeria Golino (la Ramada de la série Hot Shots, également à l'affiche du premier film de... Sean Penn !), Irène Jacob (La double-vie de Véronique, c'était elle) et Noémie Lvovsky (réalisatrice, avec, entre autres, Les Sentiments, et actrice, dans par exemple France Boutique ou Ah ! Si j'étais riche). Mais le réalisateur sait ce qu'il fait : les grands noms passent derrière, et c'est un mur d'adolescents boutonneux et paumés qui leur volent la vedette, Vincent Lacoste, Anthony Sonigo et Alice Tremolières en tête. Mais tous, indubitablement, se régalent à camper cette étonnante galerie de personnages, terriblement justes derrière leurs allures de clichés, à cet âge où l'on ne veut que ressembler aux autres.

Sattouf, qui avait déjà tâté le terrain avec sa bd Retour au collège, renouvelle le genre bien plus dangereux qu'il n'y paraît du teen-movie, en cherchant plus à faire un film sur les ados que pour les ados. Pas de vulgarité scabreuse, pas de perversité lorgnant vers la scatologie, pas d'insipides tartes américaines, rien qu'une désarmante sincérité, une tendresse débordante envers cette génération boutonneuse et paumée, racontée avec une touchante et incomparable dérision. Impossible, donc, de résister au charme cruel et nostalgique de cette quintessence de l'âge ingrat, où chacun, à un moment, se reconnaîtra. Qu'il le veuille ou non.

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