samedi 30 mai 2009

Sélection Officielle, Compétition : Kinatay, Brillante Mendoza (2009)

Deuxième long-métrage en Compétition Officielle pour Brillante Mendoza, venu une première fois en 2008 dynamiter la Croisette avec Serbis, plongée terriblement crue dans les entrailles d'un cinéma porno philippin. Avec Kinatay ("Massacre"), Mendoza réaffirme son goût pour les retournements de boyaux de spectateurs, et son identité revendiquée de bête noire du Festival (quoi que détrôné cette année par l'Antichrist de Lars Von Trier).

Kinatay nous livre, à peu de choses près, 24 heures dans la vie de Peping, jeune philippin, étudiant en criminologie, fiancé à la mère (étudiante elle aussi) de son fils de 7 mois, qui fait vivre sa famille par le fruit de petits délits. Mais si la journée s'ouvre sur son mariage, elle ne tarde pas à basculer, puisque celui-ci se retrouve embrigadé par son ami Anyong dans une expédition punitive sur la personne d'une jeune prostituée endettée auprès d'un gang de dealers.

Si Mendoza annonce son film comme un "massacre", c'est finalement pour distiller pendant une interminable heure quarante-cinq l'angoisse de l'attente. Ce n'est pas tant la violence en elle-même que la tension qui fait le véritable objet du film. Le choix du réalisateur de raconter son histoire quasiment en temps réel et de placer ses ellipses temporelles avec une précision chirurgicale est un parti-pris fort : le temps du film devient le temps de l'action ; le spectateur, à la manière du protagoniste, se retrouve l'impuissant témoin -et, dans son voyeurisme, l'acteur- de l'inéluctable massacre qu'annonce le titre.

Mais en privilégiant la tension au détriment de l'action, Mendoza prend un risque. En effet, le film finit par tomber dans son propre piège et s'empeser. L'attente angoissée laisse s'infiltrer l'ennui ; le spectateur sort de l'histoire pour en contempler totalement extérieurement la sanglante conclusion, et finit par s'interroger sur la complaisance du réalisateur plus que sur la portée critique de l'oeuvre. Car en effet, à sa façon de filmer, tellement transparente, de telles effusions de violence, on est en droit de se poser la question : Mendoza n'est-il simplement pas en train de livrer un snuff movie fictionnel, qui n'apporte rien à l'art cinématographique, et pas grand-chose à la conscience humaine qu'on ne puisse trouver dans le journal télévisé à 20h ?

Cependant, si Kinatay aurait probablement gagné à faire une demi-heure de moins, le film a tout de même le mérite de faire réfléchir, en aval. Car comment ne pas être outré d'avoir finalement pu s'ennuyer devant le spectacle de la cruauté humaine ? Mendoza, s'il n'inscrit pas son oeuvre dans la lignée des thrillers hollywoodiens haletants à la manière d'un Saw ou d'un Se7en, prêche finalement pour la même paroisse : celle de provoquer en premier lieu l'angoisse et en second la réfléxion du spectateur. La crudité des images et la bande-son particulièrement maîtrisée du film (traitement presque musical du cri, superposition avec les conversations, amplification de certains bruitages...) viennent finalement servir une virulente critique du milieu des gangs philippins.

Mendoza assoit désormais son statut de cinéaste, doté d'un univers scénaristique et visuel affiché. Kinatay ne vole en tout cas pas son Prix de la mise en scène, toute en tension et porteuse finalement d'un véritable sens politique. Mais la portée après-coup d'un film sale, cru et violent, à la morale plus que discutable (le fait que le film se revendique comme un constat objectif ne suffit pas forcément à excuser cet état de fait : par son absence de critique explicite, il n'en paraît que plus complaisant) suffit-elle à excuser un si pénible moment dans une salle obscure ? La question risque de diviser.



CRITIQUE EXPRESS DU DOCTEUR ZBORB

Insoutenable. Déjà le titre au début du film annonce le ton : un Kinatay sanguinolent, découpé en morceau ; de la haute littérature. Le rythme péniblement lent contribue à imposer la lourdeur d’un suspense tant bien appuyé qu’il se mue en une oppression malsaine et perverse, rendant impossible tout objet de préoccupation (et pourtant la recherche visuelle était indéniable) autre que celui de l’attente (insupportable) du fatidique moment où éclatera la violence la plus cru ce qui attire, finalement, mais pour la satisfaction de qui ?

Mendoza se complait à dénoncer la violence en la montrant ; un parti pris certes, très à propos dans l’état actuel de nos sociétés médiatisées, mais très discutable quant à sa place esthétique et morale dans le cinéma.

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