jeudi 27 novembre 2008

La Neuvième Porte, Roman Polanski (1999)

Prenez Roman Polanski, qu'on ne chasserait pas du palmarès des plus grands réalisateurs de sa génération. Sous sa caméra charnelle et intrusive, placez Johnny Depp, qu'on ne chasserait pas du palmarès des plus grands acteurs de sa génération. Ajoutez à cela le complexe et prenant Club Dumas d'Arturo Perez-Reverte comme base de scénario, et ouvrez de grands yeux pleins d'étoiles.
Et soyez déçus. Parce que c'est difficile de faire autre chose.

Dans le livre de Perez-Reverte, l'intrigue s'organise en deux branches parallèles. La première concerne le manuscrit inédit d’un chapitre des Trois Mousquetaires. Elle confronte le héros, Dean Corso, aux équivalents humains de 'Milady', sous les traits de Liana Telfer, et Rochefort, sous l’apparence d’un garde du corps balafré. La deuxième tourne autour du “Livre des Neuf Portes", sur lequel Polanski centre -sans trop y croire- son film.

En quelques mots, donc, le scénario (un peu fruste) suit l'histoire de Dean Corso, un spécialiste de livres rares et anciens, qu'un commanditaire féru de démonologie charge d'examiner les trois seuls exemplaires existants d'un manuel sataniste du XVII° siècle. Mais progressivement, l'expert se heurte à des personnages de plus en plus sombrement atypiques, et voit se dessiner l'objectif véritable de cette étrange mission. Et commence à son tour à "courtiser" le Diable (si ce n'est l'inverse...?).

Objectivement, ça ne rayonne pas d'originalité, mais on est malgré tout content de se lancer dans ce labyrinthe en rouge et noir. Cependant, au bout d'une heure de film, force nous est d'admettre que malgré le duo Depp/Polanski en fil d'Ariane, on s'essouffle, et l'envie de retrouver la profondeur qu'on les sait capables d'insuffler à leurs prestations grandit en même temps que le scénario s'enfonce dans un amalgame de clichés et de facilités stylistiques (que ne renierait pas un Joël Schumacher, c'est triste à dire...).

Cependant, avec le recul, je le concède, on conçoit en quoi c'est un film à re-voir. Parce qu'il est complexe, pleins de tiroirs verrouillés au premier abord, comme Polanski sait si bien le faire. Mais le problème, c'est que la première vision ne donne pas envie de perdre deux heures dix à nouveau pour découvrir qu'Emmanuelle Seigner toute nue devant un vieux château "c'est comme sur la gravure !!!!" (parmi autres références plus subtiles, mais c'est pour dire).

Bon, malgré tout, il serait bêtement catégorique de ne retenir aucune qualités à ce film, doté par exemple d'une bande-originale et de décors fort sympathiques (s'ils ne suffisent malgré tout pas à soutenir les facilités scénaristiques). Parce qu'objectivement, c'est un film dans lequel on rentre, facilement, même ; le début (chez les particuliers, quand Corso achète l'édition de Don Quichotte, entre autres !) place la barre haut et laisse augurer le meilleur pour la suite. Le problème de La Neuvième Porte est plus complexe : c'est un film où l'on rentre, mais c'est surtout un film dont on sort. Et lorsqu'on voit Depp/Corso-l'expert-en-livres-rares-et-anciens foutre négligemment le manuel du XVII° sur une vieille photocopieuse, on arrête définitivement de croire à la "diablerie".

Pas chauvine pour deux sous, je me permet de glisser un commentaire sur Emmanuelle Seigner, dont la prestation fut -et je m'en étonne- encensée. Un personnage attendu, facile, et caractérisé par une absence latente d'émotions concrètes, on n'appelle pas ça une "performance d'actrice". On appelle ça un "point supplémentaire sur la liste de clichés sataniques agglomérés pour l'occasion", tout au plus. Intéressant parallèle à faire avec Cristabella (Connie Nielsen) dans l'Associé du Diable (Taylor Hackford, 1998 -étrangement contemporain... Phénomène de mode ?-), une paire de succubes modernes dont on filme les yeux pendant tout le film et la nudité, dans un final aussi enflammé que désespérément attendu.


Moralité : si Polanski et Depp ne croient pas à ce qu'ils nous racontent (et qu'ils ne parviennent du coup pas à nous en convaincre), il leur reste leur talent de metteur et scène et d'acteur pour nous faire tenir jusqu'à la fin de ce film trop facile, qui ne fait que nous montrer des personnages auxquels on ne s'attache pas, animés d'obsessions dont on se moque éperdument.
Pour un film du genre, on est en droit d'être atrocement déçu par le réalisateur du troublant Rosemary's Baby, non ?

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