mardi 25 novembre 2008

Easy Rider, Dennis Hopper (1969)

Quand on y pense, ça fait bizarre d'entendre Dennis Hopper, LE Dennis Hopper qui vous dit avant une projection du cultissime Easy Rider "vous savez, moi, la moto, j'aime pas ça, hein". Sur le coup, ça choque, même. Ca arrache un sourire à certains, un franc rire à d'autres, mais en tout cas, ça ne laisse pas une salle entière de fans indifférents.

Et pourtant. La réalité est bien différente du mythe de Hopper-le-motard-chevronné qui fait un film sur la condition des bikers marginaux comme lui. La réalité, c'est simplement qu'à Hollywood dans les années 60, tous les réalisateurs commençaient comme ça. LE film de bikers, diffusé uniquement en drive-in (cinéma de plein air où l'on restait en voiture, N.B.), réalisé avec le budget le plein réduit possible, grâce au matériel prêté par la AIP. Et de Lucas à Spielberg en passant par Coppola père, ils en ont tous un (ou plus ! dans leur filmographie.

Mais malgré tout, Easy Rider s'en est mieux sorti que la plupart de ces road-movies de série B (prix de la meilleure première œuvre au festival de Cannes 69 !). Alors chers amis, en route (si vous me permettez l'expression, ahah) pour un petit brin d'histoire. Appelez ça trivialement "De la série B au film culte, genèse d'Easy Rider" si ça vous chante, mais je ne crois pas qu'un titre aussi bébête dans son éloquence soit de mise. Après tout, Easy Rider, ça fleure bon le chef d'oeuvre, mais ne nous voilons pas la face, il flotte tout le long un délicieux parfum de drive-in et de contre-culture. C'est comme un de ces westerns vieillots qui pourtant ne prennent pas une ride, mais avec des chevaux tout en métal.

L'aventure commence à trois heures du matin, quand un certain Peter Fonda téléphone à son ami Dennis Hopper pour lui dire que les patrons de la AIP sont d'accord pour financer un film qui raconterait l'histoire de deux motards qui passent de la drogue au Mexique pour pouvoir aller en moto jusqu'à la Nouvelle-Orléans pour Mardi-Gras. Fonda le produirait et tiendrait un des rôles principaux, tandis que Hopper, non content d'assurer l'autre rôle, prendrait en charge la réalisation. Ce dernier, tenté par la caméra depuis La Fureur de Vivre (son premier rôle en tant qu'acteur), accepte, enthousiaste. Après une dizaine de jours de discussions intenses, les deux compères tirent une intrigue structurée et entraînent sur la route une petite équipe de débutants passionnés. Et à peu près 20 mois plus tard (comptez un an et demi pour le montage : Hopper étant tout le temps devant la caméra, il a dû visionner à la fin du tournage tous les rushes en une fois, soit 32 heures d'images, et refaire tout le montage ensuite !) naissait Easy Rider, tel qu'on le connaît aujourd'hui.

Et aujourd'hui, ce qu'on connait, c'est un film inoubliable, témoin d'une époque, d'une génération, d'un mode de vie désormais révolu (et objectivement, relativement impensable dans notre société actuelle...). Pour enjoliver et utiliser tout plein de mots qui font rêver, Easy Rider, c'est les hippies, la drogue, les motos chromées, les grands espaces américains, le 'free love', le Carnaval, le cuir et les feux de camp, mais pour le dire simplement, Easy Rider, c'est la liberté. C'est un hymne au mouvement, à une vie sans attaches, faite de rêves et d'idéaux, et -osons le dire- c'est une véritable bouffée d'oxygène.


Et dans la réalisation, on sent de la même façon ce besoin de rupture, de nouveauté, cette marginalisation Hopperesque (si vous me passez l'expression). "J'étais persuadé à l'époque qu'un film n'aurait pas la Palme d'Or avec des fondus", nous dit Hopper. Alors dès les premières scènes, on voit se construire des montages secs, qui se succèdent rapidement (pensez à la scène où Fonda jette sa montre !). Pas de fondus, donc, juste grands espaces sur grandes espaces, s'enchaînant avec une fluidité étonnante. On a presque l'impression d'un panoramique qui se déroule sous nos yeux, et nous, petits motards, on tourne la tête de gauche à droite à chaque nouveau plan. En bref, jusque dans les moindres détails du montage, on a l'impression d'y être. Réflexion personnelle au passage, on a l'impression d'être avec eux sur une moto, mais on a aussi l'impression de prendre du LSD avec eux. Ceux qui connaissent le film n'ont -je pense- pas pu rester indifférent face à cette scène (mais je ne m'apesentirais pas là-dessus, je crois que c'est une scène qu'il faut voir 'vierge' de toute attente ou préjugé quelconque)...

En bref, Easy Rider est en tous points une formidable aventure cinématographique (qui fait démarrer la carrière de Hopper/réalisateur sur les chapeaux de roues, ahah).

Et on en ressort estomaqué. Pendant 94 minutes, on a la sensation d'exister, nous aussi, à travers le 'trip' de Wyatt/Fonda et Billy/Hopper. Et quand ils roulent, on roule avec eux. Quand ils fument, on fume avec eux. Quand ils rient, on rit avec eux. Quand ils vivent, on vit avec eux. Et à la fin, ce qu'on a construit pendant tout le film, cette bulle d'oxygène qui sent bon l'huile, le cuir chaud et la marijuana, elle nous reste en travers de la gorge. Parce que ça y est, on sait ce que c'est la liberté, on a un début de réponse à cette obsédante question humaine. Et même que ça a une drôle de saveur.



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