lundi 1 mars 2010

Planète 51, Jorge Blanco (2010)

Nul doute que le Wall-E de Pixar ait tourné une page glorieuse dans l'histoire de l'animation SF. Mais il est intéressant de se pencher sur ce que les studios américains de taille modeste sont capables de produire dans l'ombre de leur prestigieux prédécesseur. Le film en question s'appelle Planète 51, et, sous couvert de fable moralisante sur la tolérance et la force de l'amitié, est en réalité une petite perle pleine de dérision.

L'histoire tient sur un timbre-poste et laisse présager un déluge de mièvrerie : un astronaute terrien débarque sur une planète habitée et se lie d'amitié avec un extra-terrestre pré-pubère en proie à ses premiers émois amoureux. Passé le sourire provoqué par l'inversion du principe de l'envahisseur, rien de bien attrayant. Toutefois, l'une des grandes forces du film réside dans cette reconstitution d'une Amérique fifties intergalactique, peuplée de petits hommes verts à antennes qui cristallisent un mythe de l'alien toujours très vivace. En effet, ce procédé permet des fantaisies scénaristiques très intéressantes, permettant au passage d'écorcher gentiment le rêve américain. Se retrouve par exemple à l'écran une mise en abîme de la passion pour la vie extraterrestre caractéristique des conquêtes spatiales de la guerre froide (mettant en scène, entre autres, des mythiques films de série B de l'époque, pas seulement comme prétexte mais comme éléments influant sur la progression du récit).

L'autre force majeure du film est son implacable bande-son. Reprenant des standards fifties survitaminés (Lolipops, ou encore Mister Sandman, bien moins agaçant ici que comme leitmotiv de l'interminable Mr. Nobody de Jaco Van Dormael) aux incontournables des films de SF (il est toutefois intéressant de noter qu'ici, c'est l'astronaute lui-même qui fredonne Strauss en posant son premier pied sur la Planète 51), le tout agrémenté de quelques compositions originales (justifiées entre autres par un précurseur du mouvement hippie armé d'une guitare et d'un sens de l'à-propos et de la composition hors-pairs), la bande-originale évite de faire trop cliché sans perdre en pertinence ni en dynamisme. Le casting vocal est quand à lui impeccable, en version originale (Gary Oldman, Justin Long, Jessica Biel et John Cleese) comme en version française (Vincent Cassel, les frères Bogdanov et la doublure de Dewey, le benjamin de la famille déjantée de Malcolm), et chaque acteur donne à son personnage une couleur et un caractère propre et attachant.

Le problème pourrait venir de l'animation et du graphisme, défauts portant un préjudice irréparable à ce type de cinéma, mais non : sans atteindre la maestria pixarienne, les studios Ilion livrent un film aux graphismes enfantins sympathiques et à l'animation fluide et élégante ; les cadillac flottent avec fluidité à quelques centimètres du sol, les pupilles (souvent vues en très gros plans) sont travaillées comme des photographies macroscopiques et les flammes des explosions n'ont rien à envier à la débauche visuelle de l'explosion de l'arbre-maison des Na'vis de Cameron.

Toutefois, le film n'est sans doute pas aussi universel que Wall-E. Malgré le nombre impressionnant de classiques cités qui enthousiasmeront les cinéphiles avertis (de Star Wars à Terminator en passant par Aliens et l'inévitable 2001, entre autres), le scénario reste un peu superficiel et prévisible, et destine très concrètement le film aux enfants. Dommage, Planète 51 frôle de peu le titre de "film d'animation qui fait date" en tombant dans le plus vicieux des écueils du cinéma d'animation : l'infantilisation du spectateur.

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