samedi 14 novembre 2009

Tetro, Francis Ford Coppola (2009)

Après cinq Oscars, deux Palmes d'Or, une poignée de films légendaires et une descendance reprenant plus que brillamment le flambeau paternel, nul doute que Francis Ford Coppola a de quoi être un homme comblé. Seulement voilà, le "réalisateur visionnaire", selon l'expression consacrée, d'Apocalypse Now et la trilogie du Parrain est un insatisfait, un frustré de l'expression qui s'est senti bridé sur tous ses projets. Alors maintenant qu'il en a les moyens et le pouvoir, Coppola père enfile toutes les casquettes, de la production à la réalisation en passant par le scénario, pour créer, selon ses propres termes, un "personnal film" qui serait très précisément ce qu'il a voulu qu'il soit.

Le "personnal film" en question, succédant à un Homme sans âge laissant sur leur faim les fans chevronnés, s'appelle Tetro. Derrière ce nom intrigant se cache Angelo Tetroccini, qui a quitté son foyer et abandonné son jeune frère pour s'enfuir en Argentine et terminer l'écriture de la pièce de théâtre qui l'obsède. Mais voilà que Benjamin, le jeune frère susnommé, embarque à l'aube de ses dix-huit ans sur un paquebot en partance pour Buenos Aires histoire d'obtenir de son aîné quelques explications.

Pour Coppola, le "personnal film" n'est vraiment personnel que s'il parle de famille. Le voici donc qui, à partir d'un scénario avorté (ne comportant que la description des deux premiers plans) rédigé au début des années 70, imagine un drame familial autour de la frustration et la rivalité. Mais si l'idée de base -quoi qu'assez peu originale- est intéressante, l'histoire se perd dans un labyrinthe de retournements de situations et de faux-semblants abracadabrants jusqu'à un twist final des plus maladroits et surfaits.

Mais si ce pitch faiblard a une qualité indéniable, il est clair que c'est celle d'offrir au trop rare Vincent Gallo un rôle à sa mesure. Tout en frustration et en écorchures, il donne à ce Tetro une chair, une vraie, qui soutient réellement tout le film. Celui-ci est encadré d'une brochette de seconds rôles convaincants (Maribel Verdu et l'ancienne muse d'Almodovar Carmen Maura en tête) ; mais tous peinent, malgré leur crédibilité, à faire supporter au spectateur les invraisemblances du scénario.

Toutefois, si ses qualités ont tendance à s'effacer derrière quelques imposants défauts, il n'en reste pas moins dans ce Tetro, Coppola fait montre d'un talent de réalisateur, pleinement épanoui et fidèle à ce qui faisait sa "patte" dans ses précédents films. En effet, autour d'une narration qui s'étire en longueur et d'un rythme assez lent, il tisse une toile raffinée, dans un noir et blanc élégant et soigné ponctué de flash-backs en couleurs, et parsemée de plans à la composition et la lumière magistrales (la reconstitution de l'accident dans la pièce de théâtre est un moment d'anthologie). Un film à l'esthétique visuelle très poussée, donc, mais qui pêche par une intrigue à la fois trop mièvre et trop peu crédible.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je fais partie des déçues de l'homme sans âge. J'ai honte, hein, c'est pas bien, mais j'ai même fini, au bout d'un moment, par attendre avec impatience que le film finisse de finir...
Du coup, ta critique me donne plutôt envie de ne pas recommencer. Ou bien, peut-être pourrais-tu nous faire partager ce qui les différencie (outre l'histoire, évidemment...) ?
Nelly