samedi 28 mars 2009

Last Chance for Love, Joel Hopkins (2009)

Impossible de concevoir -a fortiori le même jour- la sortie en salles de deux films avec "Harvey" dans le nom. Surtout quand l'un est le très attendu Harvey Milk de Gus Van Sant, avec Sean Penn en rôle titre. Et comme même Dustin Hoffman et Emma Thompson ne pouvaient réussir à lutter médiatiquement contre la déferlante Milk, les français se sont amusés une nouvelle fois à massacrer un titre original (Last Chance Harvey, assez banal comme ça, mais qui prend son sens devant le film) pour afficher fièrement sur les devantures de (trop peu de) cinéma un Last Chance for Love, aux allures franchement cucul-mièvres au premier abord.

La critique, ne se laissant pas abattre (et leurs papiers sur le sieur Milk étant rédigés depuis looooooongtemps), décide de faire honneur à ces grands du cinéma et se pointe dans la salle. Et surprise, le mercredi 4 mars au matin, nombreux sont les journaux, de tous horizons (et pas que les féminins, quoi qu'on en dise !), à affirmer ce titre écoeurant de mièvrerie comme "film de la semaine". Parce qu'en effet, c'est inattendu. Milk, nul doute que c'est un chef d'oeuvre. Celui-ci, apparemment, surprend.

Et, oui, Last Chance for Love surprend. Très agréablement. Ce n'est pas un grand film, on ne lui attend pas d'avenir glorieux et il ne laissera sans doute pas une inébranlable empreinte dans l'Histoire du Septième Art, mais voilà, il est au cinéma ce que la barbapapa est à la gastronomie. Il est léger, sucré, il n'a l'air de rien mais il est très fin, et même quand il colle aux doigts c'est un vrai plaisir. Bref, ça se mange sans faim.

Soyons francs, c'est plutôt très cliché. Mais ça nous rappelle que les grosses ficelles de l'histoire ne retirent pas du tout la finesse d'un film. Quelque part, au contraire, ne pas avoir à s'encombrer la tête pour savoir comment mener une intrigue, de façon claire et précise, mais avec suspense, maintenir la tension dramatique, sans trop en faire, et blablabla thrilleresque en tout genre, permet à Joel Hopkins de glisser dans son film des clins d'oeil, une poignée de plans superbement composés (notamment avec des jeux de reflets) au milieu d'une réalisation simple mais efficace assez caractéristique du genre (ah, les montages parallèles, c'est simplissime, mais ça fait toujours son effet !), de l'humour, des dialogues savoureux...

Et surtout, ça permet de profiter pleinement d'un Dustin Hoffman et d'une Emma Thompson remarquables de justesse. Ne nous voilons pas la face, ce sont eux portent tout le film, et font ça comme des enfants portent un oisillon un peu bancal : avec une infinie tendresse et un plaisir non dissimulé, qui rendent le tableau encore plus touchant. Et une galerie de personnages hauts en couleurs accompagne la jolie tête d'affiche de cette tranche de vie (soulignons par exemple la présence de Katy Baker, qui de nymphomane à crin rouge "maîtresse" du quartier pastel et ripoliné que Tim Burton a crée pour son Edward aux mains d'argent, devient ici l'ex-femme cynique de Hoffman, remarié à un grand dadet un peu trop parfait, ainsi que le personnage aussi classique que jouissif de la mère névrosée, ici Eileen Atkins, déjà vue chez Robert Altman et Anthony Minghella, qui appelle sans arrêt sa fille et observe secrètement son étrange voisin polonais).

Cependant, et c'est à mon goût une des grandes forces du film, à aucun moment on n'essaie de nous faire croire que des histoires comme ça, ça arrive tous les jours, que c'est la vraie vie, et que vous aussi, en sortant du cinéma, vous allez rencontrer l'amour parce que c'est votre destin. Au contraire, Last Chance for Love s'affirme comme un film, un pur Film, qui s'amuse de ces grosses ficelles stylistiques (bien connues également de Richard Curtis, maître incontesté du genre, et qui avait d'ailleurs déjà dirigée Emma Thompson dans son Love Actually, véritable manifeste de la comédie romantique à l'anglaise) pour un moment de cinéma, simple, jouissif et régressif. On regarde, on s'amuse, on rêve, et même si quelque part, on aimerait que la vraie vie ressemble à ça, on s'ouvre, comme si finalement, c'était encore plus beau que ça arrive à quelqu'un d'autre, et qu'on soit simplement témoin de ces moments magiques, juste avant la routine... Inévitable en vraie, mais bannie des films de genre.

A bien y réfléchir, c'est un peu plus qu'une comédie romantique. C'est une déclaration d'amour. Une déclaration d'amour d'Harvey pour Kate, d'abord, mais aussi tout simplement une déclaration d'amour pour des lieux, des gens, des familles, des personnages, des acteurs, des univers, des couleurs, des émotions... Une déclaration d'amour au cinéma, et une déclaration d'amour à la vie. Et sans mièvrerie, please (un seul baiser entre Hoffman et Thompson dans tout le film ! Je dis oui !).

Et en plus personne ne meure, ça change agréablement.

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