mardi 24 mars 2009

La Vague, Dennis Gansel (2009)

Inutile de nier : on s'est tous déjà dit, en regardant autour de nous "celui-là, il est trop gros", "celle-là, elle est trop blonde", "j'aime pas les hippies", voire pour les moins tolérants "j'aime pas les juifs, les musulmans, les homos... (biffer les mentions inutiles)". Le principe de la Vague est simple : tant que vous arrivez à rentrer dans une chemise blanche, vous pouvez en être. Une certaine idée de la solidarité, qui prend pied dans un lycée allemand (notons toutefois que le fait-divers initial, ainsi que l'adaptation littéraire qui en fut faite et sert de base au scénario du film, se tenait dans un lycée américain... Vérité comme adaptation ne sont pas dénués d'intérêt.) tout ce qu'il y a de plus ordinaire, au cours d'une semaine thématique autour des principales idéologies politiques. Autocratie, donc. Autocratie instituée plus ou moins involontairement par un sympathique professeur d'éducation physique plein de bonnes intentions, et qui finira par vaincre son propre concept, puisque l'autocrate, d'abord enivré par son nouveau pouvoir, perdra le contrôle de sa création.

Le fait divers a toujours eu cette saveur particulière, trop réel pour être un rêve, mais trop fictif pour appartenir à la réalité. Rien d'étonnant à ce que les cinéastes aient fréquemment envie de faire leur petite cuisine autour. Mais batifoler avec le vrai-de-vrai, c'est toujours prendre le risque de mettre trop de "piment", pour continuer sur cette belle métaphore. Et soyons objectifs, on ne peut pas dire que Dennis Gansel ait eu la main légère. Mais soyons toujours objectifs : ça marche, la sauce prend plutôt bien.

Certes, le film, parfois, agace. Une fin plus que prévisible, déjà, et, plus pragmatique, une caméra qui vibre (pas assez pour être un parti-pris, mais suffisamment pour coller la migraine), une musique trop présente (et souvent très forte), quelques scènes plates, insipides et inutiles, des plans un peu sommaires, des tentatives de montage un peu prétentieuses (je ne me suis toujours pas remise de la nausée que m'a collé le générique, ni du fou-rire de la séquence au ralenti) et une évidente indigestion du réalisateur de la fadeur de sa propre enfance, tant il fantasme autour du cliché adolescent déjà bien martelé par le cinéma actuel...

Mais à côté de ça, l'histoire est rondement menée, les acteurs sont (dans l'ensemble) assez efficaces, la plastique est plutôt agréable et l'ensemble est divertissant sans être bête. Mention spéciale aux plans des gens en uniformes, notamment (bien sûr...) dans la scène de l'amphithéâtre (c'est d'ailleurs une des affiches, si je ne m'abuse), qui transmettent intensément le sentiment d'unité. Pour un peu, ça ferait rêver, tiens.

Et aucun doute, le réalisateur, lui, ça le fait rêver. Impossible de ne pas se rendre compte de l'infinie tendresse, l'inébranlable admiration avec laquelle il traite son sujet. Peut-être trop, parfois, et la scène de la soirée au bord du lac prend un goût de German History X (version édulcoré du brillant original de Tony Kaye) qui n'a pas vraiment de réalité (et si la "masse" est présente, on n'y retrouve pas l'unité visuelle de l'uniforme, qui donne pourtant toute sa force et sa "matérialité" à cette Vague). Cependant, ce regard à la limite de la candeur adolescente n'en reste pas moins assez vitriolé, quoi qu'on pourrait l'attendre plus incisif.

"Pourrait-il y avoir une nouvelle dictature en Allemagne ?". Dennis Gansel fait ainsi résumer son propos à son protagoniste Rainer Wenger, mais (en bons chauvins que nous sommes), nous pourrions tout autant élargir la question : pourrait-il y avoir une nouvelle dictature, là, quelque part dans tous nos jolis pays héritiers victorieux de la fin du Troisième Reich et du totalitarisme soviétique (c'est bel et bien aux Etats-Unis qu'a eu lieu le fait divers !) ? La question mérite d'être posée, et le film prouve comme une piqûre de rappel à ceux qui étaient passés à côté du fait-divers et du roman que la réponse mérite tout de même d'être donnée.

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