mardi 6 janvier 2009

Rentrée des Classes, Jacques Rozier (1956)

A court-métrage, courte critique. Mais je ne pouvais décemment pas ne rien dire sur ce petit bout de Nouvelle Vague reçu en pleine tête en cours de cinéma. Je suis peut-être nostalgique de la Provence, me direz-vous (et vous n'aurez pas tort du tout, soit dit-en passant), et c'est pour ça que j'en arrive à craquer sur ce court-métrage à l'histoire objectivement faiblarde (le jour de la rentrée, un enfant parie avec un autre qu'il lance son cartable par dessus le pont pour cinquante francs, il le fait, l'autre s'enfuit sans payer, il plonge récupérer son sac et ramène un serpent en classe pour faire peur à l'autre), à la photo d'une normalité presque désarmante, au son d'assez piètre qualité, et qui du début à la fin fleure bon la caricature (finalement, l'accent du Sud arrive à être aussi incompréhensible que le "parlé ch'ti").

Mais passées les cinq premières minutes (pendant lesquelles, je vous rassure, on est parfaitement en droit d'être plongé dans le plus profond scepticisme quant à ce qui nous attend), on se prend au jeu, on s'amuse des facéties audacieuses de "l'élève René Boglio". Et on se souvient de l'époque où on rêvait d'oser lancer notre cartable par dessus les ponts, de nager dans des rivières au lieu d'aller en cours et de ramener des vipères en classe. Au final, cette éternellement sordide "Rentrée des Classes" devient ici un hommage enivrant à la liberté, à l'audace et à l'enfance, tout simplement. Comme une sorte d'exutoire à tous nos fantasmes avortés de gamins (et à ceux du réalisateur, ne nous voilons pas la face).

Mais malgré toute la fraîcheur, la poésie et la spontanéité qui se dégage de l'ensemble, Rozier n'oublie pas de nous rappeler constamment que même si ça dure 24 minutes et des poussières, c'est quand même du cinéma. Et il fait ça bien, le bougre. Que ce soit en mettant en scène l'Instituteur avec un grand "i", celui qu'on aurait tous rêvé d'avoir et que personne n'a jamais trouvé (mais si, voyons, celui qui s'offusque du manque d'instruction du pépé et pas du fait qu'il fasse les devoirs de son petit-fils, et pour qui "Eh !" est une excuse suffisante pour arriver en retard et trempé en classe) ou en développant de longs plans sur les paysages (notamment de la rivière), comme la vision d'un Eden moite, étincelant et ensoleillé, sublimé par la musique de Darius Milhaud ; on n'oublie jamais que c'est de la fiction, du rêve, du fantasme poético-nostalgique. Bref, du cinéma. Du cinéma pur de dur.

Après tout, c'est aussi parce qu'il se permet tout ce qu'on ne peut pas faire, qu'on l'aime, le cinéma, non ? Mais quand on tombe sur ce genre de film, on se souvient qu'on a eu d'autres rêves qu'être un cow-boy, une princesse ou cacher des extraterrestres dans les panières de nos vélos. Et qu'avant de vouloir voler nous-même, faire voler nos sacs d'école suffisait à nous faire toucher le ciel du doigt. Faut croire qu'on devient trop exigeant, avec l'âge. Finalement, heureusement qu'il reste des films tout simples pour qu'on s'en souvienne un peu. Ne serait-ce que pendant 24 minutes.

Et ça, sales chauvins, ça vaut tout le Pastis du monde.

Aucun commentaire: